On entend parler de plus en plus dans la sphère publique de climat toxique, d’intimidation et de harcèlement psychologique dans les milieux de travail. Bien que cela soit bien triste comme situation pour ceux et celles qui les vivent, il n’en demeure pas moins une bonne chose d’en parler, car cela permet une prise de conscience individuelle et collective sur l’importance de créer et maintenir un milieu de travail sain.
L’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail est très clair : l’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser. Il doit notamment adopter et rendre disponible à ses salariés une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes, incluant entre autres un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel.
Un des moyens raisonnables pour prévenir de telles situations est la formation des gestionnaires et des employés et la mise en œuvre d’une politique claire, détaillée et comprise par tous. D’ailleurs, depuis le 1er janvier 2019, toutes les entreprises doivent être dotées d’une politique en matière de harcèlement psychologique et de traitement des plaintes et de la rendre disponible au sein de son entreprise. Or, un autre moyen intéressant pour prévenir, non pas seulement le harcèlement au sens légal, mais toutes les situations conflictuelles ou les gestes d’incivilités pouvant dégénérer et devenir des situations de harcèlement, est la mise en place d’un sondage du climat de travail.
Cette bonne pratique en matière de gestion des ressources humaines permet à l’employeur d’obtenir un portrait clair et objectif de la situation dans son organisation, soit le « climat organisationnel ». Bien qu’un tel sondage demande de la rigueur dans l’élaboration des questions notamment, il n’en demeure pas moins un outil bien difficile à déjouer. D’une part, la confidentialité liée au processus rassure les employés et leur permet de s’exprimer librement. D’autre part, cet outil est souvent géré par une personne externe à l’organisation, ce qui assure la transparence du processus.
Bien évidemment, comme gestionnaire, il faut être prêt à recevoir les résultats quels qu’ils soient! Il s’agit en quelque sorte du bulletin relationnel de l’organisation. Il faut être prêt à mettre en place les actions nécessaires à l’amélioration du climat.
Malheureusement, dans les derniers mois, des situations qui se sont manifestées dans certaines organisations et ont été rendues publiques remettaient en question l’analyse qui avait été faite. Certaines organisations ont redemandé une autre enquête qui est arrivée aux mêmes conclusions, démontrant encore une fois qu’il est extrêmement difficile d’en fausser les résultats, mais envoyant le message aux employés qu’ont ne les croient pas, amenuisant par ailleurs le climat de confiance dans l’organisation. Peut-être les conclusions sont alarmantes, mais l’important est de vous rappeler que vous avez demandé l’avis de vos équipes. Leur parole veut dire quelque chose. Et disons-le-nous : pourquoi leur demander leur avis si vous n’avez pas l’intention de les écouter?
Si une organisation effectue un sondage, développe un plan d’action d’amélioration, intervient rapidement dans les situations conflictuelles et d’incivilité, est à l’écoute de ses employés et vérifie annuellement l’amélioration par une répétition du sondage, fort est à parier que des situations comme nous l’avons lu notamment quant au climat de travail toxique à Rideau Hall sous Julie Payette, ne surviendront pas.
Cette bonne pratique permet de respecter la règle en matière de prévention du harcèlement, mais aussi, en matière de santé et sécurité. Le projet de révision de la Loi sur la santé et sécurité du travail, s’il est accepté, mettra de la pression sur les politiques de prévention en matière de risques psychosociaux. Le harcèlement en fait partie. Le sondage devient encore un plus, un outil de choix.
Manon Perreault, M.A, CRHA est titulaire d’une maitrise en éthique appliquée de l’UDES et elle est aussi chargée de cours. Elle a fait son essai sur les enjeux éthiques dans la pratique professionnelle en ressources humaines. Depuis près de 10 ans, elle concentre ses interventions sur la prévention des situations de harcèlement et dans la solution des situations RH comportant des enjeux éthiques. | Me Valérie Bousquet est membre du Barreau du Québec depuis 2007. Elle pratique principalement en droit du travail et de l’emploi, en droit administratif et en santé et sécurité du travail. Depuis plus de 5 ans, Me Bousquet mène ou collabore à des enquêtes en matière de harcèlement psychologique au travail. Elle collabore avec Perreault & Associés depuis 2012. |
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