La hausse du salaire minimum inquiète des employeurs

Pour faire tourner sa ferme maraichère située à Saint-Paul-d’Abbotsford, David Côté a besoin d’une équipe d’environ 110 travailleurs payés au salaire minimum qui résident au Québec et au Mexique.

La hausse du salaire minimum qui passera à 15,25 $ de l’heure à partir du 1er mai prochain — une augmentation de 1 $ — fait réagir autant du côté des employeurs que celui des étudiants.


En janvier dernier, le ministère du Travail a annoncé cette hausse qui inclut les salariés rémunérés avec pourboire (qui sera de 12,20 $ de l’heure) et ceux affectés exclusivement, durant une période de paie, à la cueillette de framboises ou de fraises.

Le milieu maraîcher

Pour faire tourner sa ferme maraîchère située à Saint-Paul-d’Abbotsford, David Côté a besoin d’une équipe d’environ 110 travailleurs payés au salaire minimum qui résident au Québec et au Mexique. « Il va falloir que nos entreprises soient assez efficaces et performantes pour faire face à cette hausse. On va devoir s’adapter. Nous nous y attendions », indique David Côté, propriétaire de cette entreprise agricole.

Celui-ci évalue que la masse salariale de son entreprise augmentera de l’ordre de 7 % en raison de l’hausse prochaine du salaire minimum.

Le producteur maraîcher David Côté exploite une ferme familiale à Saint-Paul-d'Abbotsford.

Fondé en 1972, Le Maraîcher André Côté est spécialisé dans la culture de petits fruits, de légumes et de fines herbes. M. Côté espère obtenir une aide des instances gouvernementales pour lui permettre de faire face à cette augmentation du coût de cette main-d’œuvre nécessaire au bon fonctionnement de son entreprise agricole.

Les employés saisonniers qui travaillent dans le secteur maraîcher auront plus d'argent dans leur poche à partir du 1er mai en raison de la hausse du salaire minimum.

« Nous souhaitons une aide financière qui va nous démarquer au niveau de l’efficacité. Notre domaine demande davantage de travaux manuels qu’un autre secteur économique », souligne ce producteur maraîcher très impliqué dans son milieu en étant l’un des administrateurs de l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ) et siégeant également à l’Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec.

Le milieu touristique

Cet été, les étudiants devraient être une nouvelle fois légion au Zoo de Granby, au parc aquatique Amazoo et au parc aquatique de Bromont. Au Zoo de Granby, on se dit davantage généreux que la Loi sur les normes du travail pour fidéliser les employés.

« L’an dernier, pour nous démarquer sur le marché de l’emploi, nous offrions 75 cents de plus que le salaire minimum. À partir d’un cumul de 200 heures travaillées, nous accordions 25 cents supplémentaires », indique Samuel Grenier, vice-président et chef des opérations au Zoo de Granby.

Samuel Grenier, vice-président et chef des opérations au Zoo de Granby.

Durant la prochaine saison estivale, les étudiants toucheront donc 16 $ de l’heure s’ils sont recrutés par le Zoo de Granby pour travailler dans le parc animalier ou à l’Amazoo. « Nous allons conserver notre bonification de 75 cents de l’heure en 2023», confirme M. Grenier.

L’an dernier, environ 600 travailleurs rémunérés au salaire minimum ont été embauchés par le Zoo de Granby. Selon Samuel Grenier, la tendance sur le marché du travail pour les étudiants est de travailler à temps partiel pour profiter de son été. « Les étudiants ne sont plus enclins à faire du 40 heures par semaine », constate-t-il.

L’an dernier, c’est environ de 600 travailleurs rémunérés au salaire minimum qui ont été embauchés par le Zoo de Granby

Sur l’ensemble des employés, M. Grenier concède que cette hausse de 1$ de l’heure va créer inévitablement une pression sur la masse salariale de l’entreprise.

« Les salaires de tous nos postes étudiants représentent 19 % de notre masse salariale. Bien qu’ils [les étudiants] soient en grand nombre, ils travaillent moins d’heures que nos employés réguliers et leurs heures sont principalement regroupées durant la saison estivale. Le 1$ de l’heure supplémentaire relié à l’augmentation du salaire minimum représente 1,5% d’augmentation de notre masse salariale totale », détaille Samuel Grenier.

Du côté de Bromont, montagne d’expériences, l’entreprise qui opère le parc aquatique, on a préféré décliner notre demande d’entrevue justifiant dans un échange de courriels que l’on ne voyait pas ce qui pourrait être dit en lien avec le sujet.

Faible impact pour les camps de jour à Granby

Les parents dont les enfants fréquenteront un camp de jour cet été sur le territoire de la ville de Granby, ne subiront pas indirectement la hausse du salaire minimum.

« Comme nos camps de jour ne s’autofinancent pas, l’impact financier est faible pour les parents. Nous sommes subventionnés à plus de 50 % par la Ville de Granby », indique Valérie Brodeur, directrice générale de Vie culturelle et communautaire de Granby qui chapeaute entre autres les camps de jour offerts par la municipalité.

Par exemple, dans le cas d’une famille avec un enfant, le coût par semaine est de 41 $ et de 31 $ supplémentaire si l’enfant est inscrit au service de garde. Comparativement à 2022, ces deux services représentent 1 $ d’augmentation. Mme Brodeur vante la politique familiale en vigueur à Granby. « La Ville s’implique beaucoup pour les camps de jour ce qui permet un dégressif intéressant lorsqu’une famille à plus d’un enfant inscrit », souligne Mme Brodeur.

Point de vue des étudiants

La Voix de l’Est a voulu sonder les étudiants fréquentant le cégep de Granby pour connaître leur opinion sur la hausse du salaire en mai prochain. Voyez leurs réponses.

(Jessy Brown, La Voix de l'Est)

Possible effet domino dans les épiceries

L’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA) regroupe plus de 1000 membres allant des dépanneurs aux supermarchés, en passant par les boucheries et les fromageries. À Granby, cette association compte parmi ses membres les propriétaires des magasins Metro Plouffe et des supermarchés IGA.

« La hausse du salaire minimum aura une influence directe sur les coûts d’opération des propriétaires de magasin d’alimentation. Le magasin devra augmenter ses revenus. Tous les employés payés au-dessus du salaire minimum vont vouloir obtenir également une augmentation de salaire. Il va y avoir un effet domino sur la grande majorité des salaires en magasin », prévoit Stéphane Lacasse, porte-parole de l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

Le supermarché Metro Plouffe à Granby.

Selon les projections de M. Lacasse, un propriétaire d’épicerie devra augmenter sa masse salariale de 5 % tout en conservant sa marge bénéficiaire qui est de l’ordre de 2 %. « Pour les étudiants qui travaillent à temps partiel, ce sera une bonne chose. Les employés réguliers dans les épiceries travaillent en semaine. Pour réduire les coûts, il va falloir passer par l’automatisation [moins de caisses avec employés] et réduire les heures d’ouverture », prévoit-il.

Silence de Sobeys et Loblaws

Le sujet de la hausse à venir du salaire minimum semble être un dossier sensible dans le milieu des épiceries au Québec. Le service de relation avec les médias de Sobeys Québec n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue. Selon le site web de l’entreprise, Sobeys regroupe 729 magasins au Québec, dont 159 supermarchés IGA.

Chez Loblaws, qui possède les enseignes Metro et Provigo dans la province, on a préféré tendre le micro au Conseil canadien du commerce de détail qui ne nous a pas rappelés.

Ceux qui travaillent dans le domaine de la restauration rapide verront aussi leurs revenus augmenter. Geneviève Bédard est propriétaire de huit restaurants McDonald’s, trois établissements à Granby, un à Bromont et quatre à Saint-Hyacinthe. Ces restaurants totalisent entre 200 et 250 employés.

Interrogée sur le sujet, Mme Bédard nous a répondu être en contact avec la maison-mère et qu’elle n’avait pas encore statué sur le dossier. L’entrepreneure est à planifier l’accueil des travailleurs étrangers dans ses restaurants.